My Absolute Darling est sans conteste le roman qui m’a le plus dérangé depuis longtemps mais aussi celui qui m’a le plus enthousiasmé
Il m’a profondément secoué par son thème insupportable évidemment : l’inceste entre un père et sa fille de 14 ans sur fond de côte ouest des Etat Unis tout près de l’océan. Les descriptions de nature sont absolument sublimes dans ce livre.
Mais à ce choc s’est ajouté l’intensité de l’écriture de Gabriel Tallent et sa capacité à créer une tension quasi permanente qui fait que l’on veut savoir comment tout cela va finir ? qui va agir ? qui va survivre ? Les nerfs sont mis à rude épreuve et l’on est toujours sur nos gardes car tout est à la fois magnifique et inquiétant, éblouissant et d’un noir abyssal, lent et percutant, tendre et violent, teinté d’espoir et de cruauté. On subit de plein fouet ce rythme syncopé, cette tension de plus en plus dramatique.
Le pire pour moi : me retrouver malmenée dans mes propres jugements… commencer par trouver ce père touchant et impliqué et Turtle désagréable, revèche…, et donc vivre l’enfer quand je le réalise et que je vois les protagonistes se faire « ballader » eux aussi, laissant cette pauvre Turtle seule face à son aigle noir. Je me demande ce que j’aurais vu et fait si j’avais connu Turtle.
Cette lecture n’a donc pas du tout été un moment de plaisir, loin de là, mais pourtant j’ai aimé ce livre.
J’ai été happé par ce livre et je le recommande vivement alors que mon mari qui l’avait commencé avant moi l’a abandonné en cours, le trouvant insupportable et n’y croyant pas à cette histoire telle qu’elle était écrite. Je comprends son ressenti. Mais moi je le recommande car il m’a touché profondément. ll m’a sensibilisé à un sujet atroce, celui de l’inceste et du viol mais aussi à toutes les traces profondes que cette violence imprime dans la chaire et le cerveau de celles qui les subissent – je dis celles car je pense qu’il faut être réaliste et reconnaître que les victimes sont principalement des femmes.
Je n’ai jamais été confrontée à des situations d’inceste ou de viol, ni de près ni de loin – tant mieux pour moi – et ce 1er roman de Gabriel Tallent m’a permis de mieux en appréhender les contours, de m’encourager à dépasser la vision de façade, le vernis des sourires d’apparence ou au contraire à décoder la détresse derrière un masque d’agressivité. Le film d’Andréa Bescond « les chatouilles » m’avait déjà mis une grosse claque cet hiver et My absolute darling a bien complété l’électrochoc. Ce qui m’a aussi intéressé dans ce livre c’est de chercher à comprendre s’il y a une forme de déterminisme dans la violence, un héritage social et familial à cette cruauté, si effectivmeent les victimes ont plus de probabilité que les autres de devenir à leur tour des bourreeaux ? je ne cherche ici aucune excuse aux bourreaux mais je trouve dans la littérature des éclairages, des appuis pour réfléchir et cela suscite aussi de nouvelles questions sur l’éducation, sur l’amour. Ce père semble aimer sa fille, l’aimer d’un amour fou et la violente à l’extrème… c’est tellement loin de mes bases…
J’imagine que c’est cette facette de la littérature qui m’intéresse aussi aujourd’hui, celle dans laquelle je ne me projette pas mais grâce à laquelle je m’éveille, je prends conscience de la réalité du monde dans lequel j’évolue et je grandis en cultivant d’avantage d’empathie pour les victimes et en me questionnant avec plus d’acuité sur ce qui fait notre humanité.
My absolute darling de Gabriel Tallent / Editions Gallmeister
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