Trésor et forteresse au XIIIe siècle, maître de maison et patron au XVIIe, vieillard fin et rusé au XVIIIe utilisé par les ouvriers pour désigner leurs « bourgeois », puis à nouveau patron, tenancière de cabaret ou de bordel au 19e jusqu’à préfet de police dans les années 1830, et enfin père/mère, la signification du mot Daron a beaucoup évolué au fil de l’histoire.
La Daronne de Hannelore Cayre incarne à elle seule toutes ces acceptions et nous embarque dans une épopée à la fois tendre, triste, terriblement critique ou acide… mais formidablement jubilatoire et enlevée !
ici la définiiton du mot Daron
La Daronne est mon 1er polar.
Jusqu’alors je considérais le genre d’un peu loin, avec pas mal d’a priori et ce n’était pas un genre auquel j’avais envie de consacrer du temps, j’avais trop le sentiment d’avoir déjà tellement de livres à lire que ce genre « mineur » n’était pas ma priorité… Et bien grâce à la daronne ou plutot à Patience Portefeux mais aussi à Vincent et Pierre Teissier, libraires passionnés et passionnants à Nîmes qui m’ont acceuilli pour une immersion de deux jours dans leur librairie en février dernier et qui m’ont conseillé d’aborder le genre par ce livre là. Qu’ils soient ici remerciés pour leur clairevoyance et leur générosité car j’ai passé un moment formidable et j’ai surtout revu mon jugement sur le polar 😉 J’ai d’ailleurs enchainé directement sur « Demain c’est loin » de Jacky Schwartzmann, également conseillés par Vincent, et dans un autre style, je me suis également régalée !
L’intrigue
Patience Portefeux aura attendu 53 ans d’une vie de fourmi laborieuse et « rangée » en tant que traductrice de l’arabe pour le minsitère de la Justice pour endosser le costume de la Daronne en détournant 1,2 tonne de cannabis issue d’un go fast. Et toute l’histoire de ce roman ce n’est pas l’enquête policière – ce à quoi je m’attendais a priori en lisant un polar – mais le parcours de vie de Patience, son enfance au milieu de parents émigrés doux-dingues et voyous, sa vie de femme seule à élever deux enfants en trimant chaque jour, son éducation à la petite et à la grande délinquance en fréquentant quotidiennement les bancs du palais de justice et en traduisant les écoutes des dealers, et son rapport à l’acte lui même, comment elle l’envisage, comment elle le façonne puis le gère au quotdien.
Le 1er paragraphe
L’argent est le Tout. Mes fraudeurs de parents aimaient viscéralement l’argent. Pas comme une chose inerte qu’on planque dans un coffre ou que l’on possède inscrit sur un compte. Non. Comme un être vivant et intelligent qui peut créer et tuer, qui est doué de la faculté de se reproduire. Comme quelque chose de formidable qui forge les destins. Qui distingue le beau du laid, le looser de celui qui a réussi. L’argent est le TOut ; le condensé de tout ce qui s’achète dans un monde où tout est à vendre. Il est la réponse à toutes les questions. Il est la langue d’avant Babel qui réunit tous les hommes. »
La Daronne c’est aussi une galerie de personnages haut en couleurs, plus ou moins attachants, plus ou moins crédibles mais tous infiniment bien décrits, avec beaucoup de bienveillance, de sincérité, ce qui fait qu’on adhère à l’intrigue très vite sans vraiment chercher à savoir si tout cela n’est pas un peu trop fantasque, un peu trop romancé même si c’est parfaitement inscrit dans la réalité contemporaine…
Enfin j’ai aimé le style d’Hannelore Cayre, son vocabulaire choisi, son ton direct et très imagé, le rythme. J’ai beaucoup souri, et j’ai aussi été touchée. Ce qui m’a plu au delà de l’histoire elle même, c’est que cela questionne la « morale » et que la morale justement m’empêche souvent d’agir en femme libre et ici la daronne m’a obligée à requestionner mon rapport à la morale, à la ligne jaune et ça, pour moi cela a de la valeur, et si c’est un polar qui m’amène à challenger ce à quoi je crois, alors je dis « vive le polar ! ».
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Polar de Hannelore Cayre
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